Liege U 6 - page 9

Hiver 2010 - 2011
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LIÈGE
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A l’instar de la
réforme du divorce,
le droit s’adapte aux
nouveaux besoins
des gens
désunion. «
Le critère a changé
, précise le Pr Yves-
Henri Leleu, qui a publié une nouvelle édition de
son ouvrage
Droit des personnes et des familles
.
On
considère que le mariage n’a plus lieu de subsister.
dès lors qu’il y a désunion irrémédiable. Désormais on
n’est plus obligé de déballer sa vie conjugale devant le
juge. La loi permet de divorcer raidement
sans qu’il y ait nécessairement accord sur
tout, et notamment à propos des enfants.
Ce dernier point peut être perfectible. Je
ne serais donc pas critique envers une
éventuelle modi%cation de la loi à ce
sujet, mais à condition de ne pas revenir
sur l’objectivité acquise en 2007
. »
Comme l’illustre la réforme du divorce, le droit des
familles, en perpétuelle évolution, prend davantage
en compte l’autonomie de l’individu et répond aux
nouveaux besoins de protection de la vie privée
et affective. «
Le droit n’a d’autre fonction que de
créer des normes, des procédures ou des institutions
,
psychisme de l’individu. Ni qu’il puisse provoquer des
abus ou excès de liberté. «
Ceux qui critiquent les lois
“progressistes” en droit des personnes et des familles
comme celle sur le divorce tiennent souvent le même
langage : “La société risque de plonger dans le chaos,
les
individux vont perdre leurs repères.” On
utilise une argumentation catastrophiste
sans apporter de validation scienti%que
de celle-ci. L’inconvénient, c’est que
pareil discours peut inciter le législateur
à adopter une attitude précautionneuse,
voire inerte ou tétanisée. Pour ma
part, je suis favorable aux ouvertures
nouvelles. Prenez le mariage homosexuel. Il n’y a
aucune raison objective de refuser le mariage à un
couple de même sexe, sinon des considérations liées à
des valeurs ou à des symboles. On connaît aujourd’hui
un multiculturalisme juridique. Le droit doit s’ouvrir à
toutes formes de demandes de protection dans le respect
d’un seuil objectivement infranchissable d’interdits,
autrement il ne serait pas démocratique.
»
Yves-Henri Leleu estime que, lorsqu’une
tendance sociétale de fond se dégage,
il faut observer si le droit apporte une
solution à une demande, et conseille
qu’il intervienne pour y répondre, même
si cette tendance ne concerne que peu
de cas, pour autant que sont en jeu des
droits fondamentaux individuels. Et il
observe ces nouveaux besoins, comme
la protection des personnes vulnérables
dans nos sociétés où on vit de plus en
plus longtemps, ou comme la question
du patrimoine des couples non mariés,
de plus en plus nombreux. «
Ces couples
rencontreront des problèmes juridiques
sans s’en rendre compte. L’exemple
type, c’est le conjoint qui accepte parfois de mettre en
veilleuse sa carrière professionnelle au pro%t de son
investissement dans le couple et la famille. Le droit des
personnes et des familles doit rétablir l’équilibre, au nom
de l’égalité fonctionnelle des couples. Car, dans notre
société dominée par l’égalité, il n’est plus légitime d’être
traité différemment que d’autres personnes en situation
comparable sans raison objective.
»
rappelle le Pr Leleu.
Il existe cependant des différences
entre diverses matières du droit. On peut ef%cacement
réprimer pénalement le vol mais pas ef%cacement
proscrire la procréation assistée, qui est une solution à la
souffrance de certaines personnes et dont la prohibition
conduira à des comportements de contournement de
l’interdit.
» Cela ne signi$e pas pour autant que le droit
des familles cherche à in/uer sur le comportement ou le
Homme-femme, mode d’emploi
De 1992 à 2002, l’ULg a mené une grande enquête :
sous le nom de “Panel démographie familiale
. 3000
familles et plus de 5000 individus ont participé à cette
étude visant à donner un aperçu de la vie des Belges
et de son évolution au cours du temps. Aujourd’hui, le
service du Panel, qui fait partie de l’Institut des sciences
humaines et sociales, continue demener des recherches
dans les domaines de la famille, de la pauvreté, de
l’insertion et du vieillissement. Il a notamment pris part
aux Etats généraux de la famille de 2007 et réalisé une
étude sur les familles classiques, monoparentales et
recomposées fondation Roi Baudouin.
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