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LIÈGE
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Hiver 2010 - 2011
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LE
DOSS I ER Po r t ra i t de f ami l l es
Sociologue de la famille et responsable du Panel,
Marie-Thérèse Casman partage l’avis des autres
spécialistes : si la famille se transforme, on ne peut
pas à proprement parler de “nouvelles familles”.
«
Les familles plurielles existent depuis longtemps
,
déclare-t-elle.
Ce sont plutôt les causes qui ont évolué.
Auparavant, la famille devenait monoparentale par le
veuvage ; aujourd’hui, c’est davantage par le divorce ou
la séparation. L’autre grand changement, c’est que les
proportions ont changé. Aujourd’hui, en Belgique, un
ménage sur trois est composé d’ une personne seule. La
famille classique reste majoritaire à pratiquement 80 %,
mais elle était hégémonique avant.
»
Le mariage n’est plus une institution incontournable,
comme en témoigne l’explosion du nombre de
divorces : 4500 divorces et 65 000 mariages en
1960 ; 31 000 divorces et 43000 mariages en 2004.
L’assouplissement de la législation a accentué ce
phénomène lié notamment à la religion moins
prégnante, à la plus grande autonomie économique
des femmes, à la moindre stigmatisation entourant les
divorces, etc.
Les couples se marient moins et forment
desménages “biactifs” – chacun travaille.
«
C’est souvent la femme qui croit faire
le choix objectif de travailler à temps
partiel
, relève Marie-Thérèse Casman.
Mais elle paie la note en se retrouvant notamment avec
une pension dérisoire. »
De même, la pause-carrière
et le congé parental sont dans la grande majorité pris
par la femme.
« En Suède, le père est obligé de prendre
une partie du congé parental, sinon on le perd. Chez
nous, beaucoup de pères voudraient le prendre mais ne
le font pas, de peur d’éventuelles conséquences sur leur
emploi ou leur carrière.
»
Pour Marie-Thérèse Casman, notre pays accuse
un certain retard pour ce qui est de l’équité. «
En
Suède toujours, le droit de vote des femmes a été bien
antérieur par rapport à la Belgique ou à la France. Les
femmes ont ainsi pu entrer dans les partis politiques
et les syndicats et faire évoluer les choses. Chez nous,
les femmes sont arrivées massivement sur le marché
La famille traditionnelle
a perdu son hégémonie
Docteur en anthropologie et anthropologue de la
sexualité, Chris Paulis a travaillé sur de nombreux
sujets touchant à la famille, comme l’adoption ou le
mariage homosexuel. Pour elle, le changement réside
dans l’acceptation des différentes formes familiales
qui ont toujours existé. «
La famille comme groupe de
référence vient de la famille bourgeoise du XIX
e
siècle,
avec un homme et une femme mariés, trois ou quatre
de l’emploi de manière silencieuse. Il aurait fallu
accompagner cette révolution muette en développant
par exemple des équipements collectifs, notamment
pour la garde des enfants.
»
Autre phénomène qui a un impact sur la famille :
l’allongement de la vie, qui pose le problème de la
“prise en charge” des personnes dépendantes. Le Panel
démographie familiale s’est notamment
penché sur la santé des plus de 50 ans
et la maltraitance des personnes âgées.
«
On s’en préoccupe maintenant alors
que certains l’avaient prévu comme le
démographe Alfred Sauvy dès le début
de XX
e
siècle
, note Marie-Thérèse Casman.
On a
tout fait au siècle dernier, indépendamment des deux
guerres mondiales, pour améliorer les conditions de
travail et de vie. En 1900, l’espérance de vie était de 47
ans ; elle est maintenant d’environ 78 ans pour l’homme
et de 80 ans pour la femme. En moyenne, car elle n’est
toujours pas la même pour un manœuvre ou un cadre
supérieur.
»
Une étude du Panel sur l’aidant proche montre
que, pour ça et pour bien d’autres domaines comme
l’éducation des enfants, c’est surtout la femme qui
prend les choses en mains, y compris d’ailleurs “la
charge mentale”. «
On observe sans doute une évolution
comme pour le partage des tâches domestiques, mais
très lente
», conclut-elle.
Etonnants paradoxes
enfants, vivant dans une maison de deux étages. Mais
ce n’est là qu’une représentation, cette famille idéalisée
n’a jamais vraiment existé. Et la famille paysanne
était très différente. On trouvait aussi des familles
monoparentales féminines, suite au décès des parents,
à la naissance d’un bâtard, ou au veuvage causé par
la guerre ou un accident de travail. Il arrivait que des
femmes seules ou devenues veuves vivent ensemble,
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