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LIÈGE
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Hiver 2010 - 2011
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LE
DOSS I ER Po r t ra i t de f ami l l es
Ils doivent accepter que la famille du passé est morte
et en inventer une nouvelle. En créant des rituels,
par exemple. Mais pour y parvenir, il faut d’abord
reconnaître cette souffrance. C’est tout le travail de la
thérapie.
Liège U
:
C’est ce qu’on appelle la résilience...
S.D. :
La résilience pourrait se dé$nir comme la
capacité de sortir des adversités en étant plein de
nouvelles ressources. On l’a tous en nous. Simplement,
elle peut se bloquer, se $ger à cause du stress, de la
douleur et de la souffrance psychique. C’est ça le
problème. La thérapie n’apporte pas la résilience,
elle sert à réactiver ce processus. Les nouvelles
familles, si elles se portent bien, peuvent apporter un
plus. Dans une famille recomposée, l’enfant a quatre
$gures parentales. Il expérimente plus de liens et peut
ainsi apprendre beaucoup de choses. Une famille
monoparentale peut donner à l’enfant un sentiment de
responsabilité majeur. Mais cela ne marche que s’il n’y
a pas de rigidité voire de souffrance dans la famille.
Liège U :
Or, ces familles semblent souffrir plus que
les autres...
S.D. :
C’est indéniable. Les familles monoparentales
sont fragilisées, en particulier sur le plan économique.
Non seulement ces pères et surtout ces mères
s’appauvrissent, mais ils font face à la solitude. Tous
les professionnels de la santé mentale et de l’éducation
– et pas seulement le psychologue – devraient y être
sensibles. L’enseignant pourrait mieux comprendre
l’enfant, sans le justi$er ni le victimiser. Cela étant, il
ne faut surtout pas démoniser ni stigmatiser la famille
traditionnelle. Elle est aussi d’une certaine manière
une nouvelle famille. Le rôle du père et de la mère a
changé avec les doubles carrières, les congés parentaux.
Le père n’est plus seulement celui qui assure le confort
matériel. Il intervient plus sur le plan affectif aux côtés
de la mère. Et la famille traditionnelle fait aussi face à
des crises importantes qui l’appauvrissent.
Liège U :
Que faudrait-il faire pour mieux prendre en
compte ces dif%cultés ?
S.D. :
Il faudrait éduquer à la multiplicité familiale
comme on le fait pour la multiculturalité. Le
citoyen intégrerait la différence et on éviterait les
comportements à risque (racisme, discrimination,
stigmatisation, exclusion, etc.). L’important est de
regarder ces familles comme étant différentes, et non
dé$citaires ou déviantes. Les études montrent que
la structure familiale ne provoque pas de problème
psychique chez l’enfant ; c’est plutôt le regard social.
L’acceptation par le groupe est essentielle mais pas
suf$sante. Il faudrait construire une culture du partage,
de l’échange. Il ne suf$t pas que le psychologue le dise.
Ce devrait être un dé$ institutionnel.
La Belgique se situe dans le peloton
de tête des pays où les couples
divorcent le plus, avec un taux d’un
peu plus d’un divorce pour deux
mariages. Il est vrai que le législateur
a sensiblement assoupli la procédure
en 2007. Mais ce n’est pas là la cause
du phénomène ; la nouvelle loi ne
faisait que répondre à une demande croissante de la
population. La question opposait deux écoles : celle
plutôt favorable à une réforme qui privilégie la liberté
individuelle et celle pour qui le mariage ne peut être
rompu sans autre raison que l’envie de se séparer.
«
Personnellement, j’estime que la loi de 2007 est bonne
et qu’elle fonctionne bien
, con$e Yves-Henri Leleu,
professeur de droit à l’ULg et spécialiste du droit des
familles.
D’ailleurs, la jurisprudence montre jusqu’à
Deux mariages et un divorce
présent qu’il n’y a pas de problème d’application
majeure. La catastrophe sociale annoncée ne s’est
pas produite. Ce n’est pas parce que les lois sont plus
souples qu’elles renforcent certains comportements. Au
contraire, la loi s’adapte et accompagne les besoins des
individus.
»
Le grand progrès de la nouvelle loi est de faire
l’économie du débat sur les torts et les fautes de chacun
pour la dissolution du mariage. Même si plusieurs de
ses détracteurs vont jusqu’à comparer certaines formes
de divorce à une “répudiation”. Auparavant, celui qui
avait commis l’adultère perdait tout doit à une pension
alimentaire. Il en va autrement aujourd’hui : même si on
enfreint des obligations conjugales, on peut conserver
ses droits à une pension, à moins que le juge tienne
l’adultère pour une faute grave et qui a provoqué la
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