Liege U 6 - page 11

Hiver 2010 - 2011
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LIÈGE
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Dans notre
mémoire collective,
la réussite de la vie
affective continue de
passer par l’homme
et la famille
qu’elles ne trouvent pas ou ne savent pas garder
un compagnon. Dans notre mémoire collective, la
réussite de la vie affective féminine continue de passer
par l’homme et la famille. On montre que c’est dans
cette case-là que la femme se sent épanouie. Depuis
la construction des sociétés, normes et normativité
sociosulturelles sont hétérosexuelles.
Liège U :
Rien n’aurait fondamentalement changé ?
Ch.P. :
Ce qui est nouveau, c’est la multitude des modèles
culturels. Pour certains, ce
melting-pot
provoque le
désordre, le chaos. Certains évangélistes parlent de
descente aux enfers. Le mariage a été mis en place pour
$xer le couple appelé à remplir des devoirs. C’était un
rite de passage social et obligatoire pour former une
famille. Aujourd’hui, en réclamant son individualité,
en voulant vivre chacun à sa manière,
l’individu est confronté à des modèles
multiples. On est tout le temps dans le
paradoxe familial. Les gens vivent dans la
contradiction entre la recherche unique
du plaisir individuel et la procréation
pour la perpétuation de l’espèce. Toutes
les cultures sont mélangées. L’individu ne
veut plus être soumis au groupe mais le
groupe a besoin que l’individu procrée et
forme une famille. Et c’est surtout la femme qui est sans
arrêt confrontée à ce paradoxe.
La femme a acquis la liberté de choix. Mais est-elle
réellement gagnante ? Elle se retrouve souvent engluée
dans un modèle où elle se démultiplie pour avoir du
bonheur. Je constate d’ailleurs, pas uniquement dans des
classes populaires, un retour en arrière : de jeunes femmes
veulent avant tout avoir un “mec” à elle, un enfant et une
maison. On voit même de plus en plus de jeunes femmes
qui refusent au premier abord la péridurale lors de leur
accouchement, estimant qu’il faut souffrir pour se sentir
devenir une vraie mère. Des jeunes femmes qui ont un
diplôme équivalent, voire supérieur à celui de leur mère
(et/ou de leur mari), décident de rester à la maison ou de
travailler à mi-temps, aux dépens de leurs compétences
professionnelles, de leur avancement et de leur pension,
pour laisser la place publique idéale à leur compagnon et
s’occuper du ménage et des enfants. Les féministes de 68,
sans parler des suffragettes du siècle dernier, en seraient
attristées.
Dossier réalisé par Eddy Lambert
Photos Jean-Louis Wertz
mais il est dif%cile de savoir lesquelles formaient une
famille homosexuelle parce qu’on ne connaissait pas la
nature de leur relation. On ne peut donc pas parler de
nouvelles familles. C’est plutôt leur reconnaissance et
la cause de leur formation, comme le divorce pour les
familles recomposées, qui sont nouvelles.
»
Liège U :
Cette acceptation tend-elle à se généraliser ?
Chris Paulis :
Cela dépend de l’évolution
sociopolitique et des intérêts du pays. En Russie ou en
Chine, un couple homosexuel risque l’emprisonnement
ou la peine de mort s’il s’af$che en public. Je parlerais
donc plutôt de nouvelles acceptations des nouvelles
formes familiales. Il reste des différences. La Belgique
a légalisé le mariage homosexuel, au contraire
de la France. Et un pays comme le Burundi, qui
n’était pas spécialement homophobe, a voté des lois
contre l’homosexualité au motif que c’est
antinaturel et que cela risque d’être
dangereux pour le modèle familial et la
reconstruction du pays et qu’il faut donc
privilégier le couple traditionnel.
D’autre part, dans nos systèmes
socioculturels, j’observe chez les
jeunes un retour au couple hétérosexuel
classique, qui reste le modèle dominant. Dans la série
Sex and the city
”, on voit quatre femmes brillantes,
diplômées, avec un physique idéalisé, qui ne pensent
qu’à une chose : trouver un homme pour avoir des
relations sexuelles et tomber amoureuse. Autre
exemple à la télé : les héroïnes de séries policières.
Elles ratent toujours leur vie de famille. On les montre
comme des battantes qui ont investi l’espace masculin
mais toujours au détriment de leur vie familiale;
elles se retrouvent soit en situation monoparentale
(abandonnées à cause de leur implication dans leur
métier), soit malheureuses parce que seules, et parce
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