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Printemps 2013
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LIÈGE
U
l
31
Toujours d’équerre
50 années d’architecture moderne liégeoise
L
a célèbre revue L’Equerre a marqué, avec le groupe
éponyme, l’architecture et l’aménagement du territoire
en région liégeoise. Défendant des idées modernes,
loin de celles en vigueur à son époque, elle est reconnue
comme étant l’une des principales revues d’architecture et
d’urbanisme de l’entre-deux-guerres, tant au niveau local
et national qu’international. Sébastien Charlier, doctorant au
sein du service d’histoire de l’art et archéologie de l’époque
contemporaine à l’ULg, a assuré la direction de l’étude cri-
tique et de la réédition des numéros du périodique en un
seul ouvrage*, lequel a reçu le prix Fernand Baudin 2012.
Seule revue d’avant-garde publiée à Liège en matière d’ar-
chitecture, L’Equerre est un témoin privilégié du contexte et
du mode de production de l’architecture de l’entre-deux-
guerres. Dans la dynamique production éditoriale des années
30, elle apparaît comme étant l’une des rares publications
pérennes de son époque. Elle fut publiée de 1928 à 1939.
Outre son intérêt historique évident, cette réédition témoigne
d’une volonté de réunir une collection dispersée dans plu-
sieurs centres d’archives du pays. « Que ce soit à Liège, dans
des bibliothèques spécialisées en architecture ou au niveau
international, plus personne ne disposait de la collection com-
plète de la revue », constate Sébastien Charlier. L’essentiel du
fonds a été prélevé dans la bibliothèque des sciences et des
techniques de l’ULg. Le reste provient des bibliothèques d’ar-
chitecture de La Cambre (ULB) et de Sint-Lukas (Bruxelles).
Au total, 107 numéros et près de 1200 pages ont été repro-
duits en fac-similés dans un ouvrage publié aux éditions
Fourre-Tout, en partenariat avec la Société libre d’Emulation.
De la contestation à l’institutionnalisation
La revue L’Equerre fut lancée en 1928 par cinq étudiants
de l’Académie des beaux-arts de Liège. Si elle intègre déjà
des textes fondateurs du mouvement moderne, son contenu
reste néanmoins principalement satirique. A l’issue du cur-
sus de ses auteurs, la publication de textes fondateurs et de
réflexions sur des questions d’urbanisme s’intensifie. Les
grandes tendances de l’actualité architecturale au niveau
local, européen et mondial y sont analysées au profit d’un
engagement pour une architecture novatrice et d’une critique
radicale de l’architecture liégeoise. « Perpétuellement, ils se
plaignent que Liège reste en retrait par rapport aux tendances
modernes », note le chercheur. Petit à petit, les membres du
groupe se tissent un réseau, non seulement avec les prin-
cipaux architectes modernes belges (V. Bourgeois, L.-H. De
Koninck, etc.), mais très vite aussi avec le monde interna-
tional et particulièrement avec les Congrès internationaux
d’architecture moderne (Ciam), rencontres où se réunissent
tous les penseurs du mouvement moderne. De nombreuses
idées véhiculées lors de ces congrès sont reproduites et
interprétées dans L’Equerre, véritable magazine de propa-
gande pour le mouvement moderne à l’échelon national.
Progressivement, alors que la revue gagne en maturité, ses
membres commencent à travailler en tant qu’architectes et
créent ensemble une agence d’architecture et d’urbanisme à
Liège, également dénommée “L’Equerre”. A partir de 1936,
le groupe contestataire se rapproche du pouvoir et ses réa-
lisations gagnent en importance. Les architectes militants
réalisent alors de nombreux équipements publics et loge-
ments sociaux du bassin liégeois. On leur doit notamment la
plaine de jeux reine Astrid, le Palais des congrès ou encore la
première étude sur l’implantation de l’université de Liège au
Sart-Tilman. Alors que domine dans la Cité ardente une archi-
tecture d’inspiration historique, L’Equerre véhicule les idées
de la modernité, préconisant un style minimal et fonctionnel.
En 1939, lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, la
revue cesse sa parution, forte de 107 numéros. L’agence
d’architecture continuera pour sa part d’être sollici-
tée jusqu’à sa faillite, en 1982. A travers la réédition de
la totalité de la collection, il est question de la sauve-
garde de la mémoire d’un groupe dont la pensée théo-
rique et les réalisations ont marqué le patrimoine liégeois.
Anne-Laure Mignot
article complet sur le site
www.reflexions.ulg.ac.be
(rubrique Pensée/art)
* L’Equerre. Réédition intégrale – The Complete Edition 1928-1939.