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Eté 2013
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LIÈGE
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Gestion de crises
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Au F I L DES PAGES
La dépression chez les ados
O
n se dit que c’est juste l’adolescence et sa fameuse
crise... Mais, parfois, on a tort : être jeune n’exclut pas
d’être déprimé. Sauf que cela ne se manifeste pas
sous les mêmes symptômes que chez les adultes. Résul-
tats scolaires en baisse, irritabilité, agressivité, sentiment
d’exclusion : voilà de quoi se méfer. On estime que de 5 à 7
% des adolescents connaissent un épisode dépressif majeur.
Les flles sont deux fois plus touchées que les garçons et,
dans les deux tiers des cas, ces jeunes ne sont pas soignés.
Le risque ? Voir se développer des troubles du caractère,
des échecs scolaires, des dépendances, des conduites sui-
cidaires. Grâce aux recherches menées par la psychologue
Aurore Boulard pour sa thèse*, le fond et les formes de la dé-
pression peuvent désormais être mieux décryptés. Et repérés.
Signes d’alerte
La psychologue a commencé par étudier l’infuence de
l’école et du groupe des pairs, dont l’acceptation ou le
rejet joue un rôle important sur la santé mentale du jeune.
Sa recherche menée auprès de 2896 étudiants de 12 à
18 ans a permis de mettre en lumière des variables, pré-
dicteurs de la dépression. Parmi eux, une chute des résul-
tats scolaires. Mais pas seulement... « Les adolescents les
plus à haut risque de dépression ont tendance à recher-
cher le contact avec les autres. Lorsqu’ils sentent qu’ils
“décrochent”, une sorte de comportement de survie les
pousse à être “gentils” pour garder un lien social, vital à
cet âge. Pourtant, ces efforts pourraient être mal perçus et
conduire à favoriser l’exclusion », prévient la psychologue.
Un autre facteur mérite d’être mis en parallèle à ce premier
constat : celui du poids des amitiés intimes. Quel que soit
l’âge, le fait de ne pas avoir de meilleur ami du même sexe
que soi est hautement corrélé avec le sentiment dépressif.
Les agressions verbales risquent, aussi, d’augmenter l’hu-
meur dépressive. « Ce phénomène d’agression est mini-
misé par les adolescents et par les professeurs », constate
Aurore Boulard. Pourtant, le jeune régulièrement agressé
peut devenir la brebis galeuse, celui que l’on exclut et qui
se sent rejeté. « L’une des tâches de l’adolescence consiste
à apprendre à vivre en groupe : si le jeune aime l’école, c’est
pour les copains qu’il s’y fait. Il est vital, pour lui, d’appartenir
à un groupe », assure-t-elle. En 2011-2012, une deuxième
recherche a impliqué 1496 adolescents. Elle a permis, entre
autres, de confrmer qu’ils exprimaient leurs affects (senti-
ments) dépressifs par des aspects somatiques (comme des
maux de tête ou des maux d’estomac). « Au fnal, quatre
items sont davantage marqués chez les flles et les gar-
çons : se sentir sans énergie, être irritable, douter de sa
valeur, se sentir mal dans sa peau », détaille Aurore Boulard.
Ni trop tôt ni trop tard
Cette étude a également mis en évidence l’importance du
“timing pubertaire”. « Nous pressentions que le problème
risquait de se situer autour de la diffculté à accepter ses
différences par rapport aux autres », explique la psycho-
logue. De fait, deux catégories de jeunes ont obtenu de
hauts scores de dépression : ceux très en avance et ceux
très en retard, ce qui entraîne l’exclusion du groupe de
pairs de même sexe. Ainsi isolé, le jeune, insécurisé, se
sent jugé, un facteur déterminant face à la dépression. En-
fn, une troisième étude pour le moins originale s’est inté-
ressée aux contenus et à la forme des “parcours de vie”
des adolescents, avec les 60 témoignages de jeunes non
dépressifs ou dépressifs scolarisés ou, encore, hospitali-
sés en pédopsychiatrie pour un épisode dépressif majeur.
« Toutes ces recherches ont montré que l’exclusion, les
agressions verbales et le sentiment d’être jugé par les pairs
jouent un rôle majeur sur le bien-être de l’adolescent. De plus,
son humeur dépressive donne aussi des signaux de faiblesse
propices aux attaques et à l’instauration d’une situation de
harcèlement qui, ajoutée à des relations sociales minimes,
est fortement liée au développement de sentiments dépres-
sifs et d’idées suicidaires (surtout chez les flles) », précise
la psychologue. Tout est alors en place pour qu’une spirale
dépressive s’installe. Comme dans le Titanic, l’eau envahit
cale par cale. Et c’est ainsi que certains jeunes coulent...
Pascale Gruber
Voir l’article complet sur le site
www.refexions.ulg.ac.be
(rubrique Société/psychologie)
* De l’humeur dépressive à la dépression chez l’adolescent :
statistiques et narrativité.