Page 31 - LiegeU-012

This is a SEO version of LiegeU-012. Click here to view full version

« Previous Page Table of Contents Next Page »
Eté 2012
l
LIÈGE
U
l
31
Pour qu’ils s’en sortent
Comment aider les jeunes délinquants
L
e Pr Michel Born enseigne la “psychologie de la délin-
quance” et pose un regard pragmatique sur les pra-
tiques de l’intervention auprès des jeunes délinquants
ou auteurs de faits qualifiés d’infractions. Il est superviseur
dans plusieurs institutions et services spécialisés dans la
prise en charge de cette population très spécifique. Auteur de
plusieurs ouvrages, il publie aujourd’hui chez De Boeck un
ouvrage préfacé par Boris Cyrulnik, Pour qu’ils s’en sortent.
L’un des concepts centraux du livre est, comme le souligne
Boris Cyrulnik, la “désistance” qui consiste à se départir d’un
engagement où l’on s’est laissé entraîner et à s’en sortir.
Pour Michel Born, la désistance doit être le but premier de
la prise en charge des délinquants, jeunes ou adultes. C’est
leur réinsertion ou parfois même leur insertion sociale qui
est l’enjeu majeur des interventions psychosociales. Son
ouvrage, à la fois théorique et concret, met en lumière les
leviers psychologiques qui, dans les structures actuelles,
contribuent à ce qu’ils s’en sortent ! Une étude remarquable,
passionnante et accessible, s’appuyant sur l’expérience
de chercheur et de clinicien de l’auteur, ainsi que sur des
travaux et initiatives mises en place dans le monde entier.
Leviers psychologiques
Michel Born s’adresse ici aux éducateurs, aux psychologues,
aux travailleurs sociaux ainsi qu’aux enseignants et à tous
ceux qui travaillent avec des jeunes en situation d’inadapta-
tion sociale, en présentant les leviers psychologiques de leurs
interventions. Celles qui fonctionnent ont les caractéristiques
suivantes : fournir au jeune des tuteurs de résilience, recréer
du lien, croire en lui, travailler la culpabilité et le sens moral,
travailler sur les processus de traitement de l’information, dé-
velopper les habiletés sociales, construire un projet personnel,
implanter une optique restaurative, travailler dans la durée.
On est ici au cœur de sujet. De façon détaillée et en illus-
trant son propos par des cas précis, Michel Born développe
les leviers psychologiques “qui fonctionnent” pour que la
désistance voire la résilience secondaire se mettent en
place. Chaque levier est décrit, analysé et développé, en
mettant systématiquement en avant le travail des agents
de terrain ainsi que l’importance d’une approche glo-
bale, incluant l’école et le milieu familial. Le volet affectif
y est omniprésent. Cette écoute du jeune reconstruit pro-
gressivement l’image détériorée qu’il avait de lui-même.
Suivant les pays et suivant les délits, le cadre, les structures,
le personnel et les moyens thérapeutiques mis en place
diffèrent. Il convient systématiquement de les interroger et
d’en fixer les fonctions et les objectifs pour maximaliser leur
efficacité. “L’équipe, la dynamique d’équipe, la dynamique
institutionnelle sont d’une importance primordiale et le re-
gard que nous avons à porter sur l’institution, au risque d’y
perdre notre santé, voire notre âme, ne doit pas être naïf.”
Pour ou contre le placement?
Michel Born parle plutôt de solutions personnalisées et
met en évidence, d’un côté, le caractère nocif du contexte
social générateur de délinquance pour un jeune (surtout s’il
est intégré dans une bande) et, de l’autre, l’importance des
liens avec la famille et l’école… Comment sortir du para-
doxe ? «!Je ne fais pas partie des thérapeutes qui contestent
systématiquement et idéologiquement le placement des
jeunes, à l’instar de certains courants nés dans les années
1970 et toujours présents aujourd’hui. Il y a des situations
où la gravité des faits de délinquance nécessite réellement
une mise à l’écart de leur auteur. Le réalisme nous oblige à
placer certains jeunes car, dans certains cas, c’est la seule
voie vers une nouvelle construction de soi et une possible
réinsertion. » Sans être partisan de ce type d’écartement, et
en le souhaitant le plus rare possible, Michel Born prône à
cet égard une position intelligente et modérée, pragmatique
et professionnelle : « La vraie et seule question à se poser
à cet égard est : “Qu’est-ce qui fonctionne vraiment ?” »
Christine Donjean
Article complet sur le site
www.reflexions.ulg.ac.be
(rubrique Société/psychologie).