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Automne 2011
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LIÈGE
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Une idée qui a du fair
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Au F I L DES PAGES
Quel imaginaire social pour la France gaulienne ?
Brevet européen pour la lutte contre les pucerons
O
utre son impact négatif sur la santé humaine, l’uti-
lisation d’insecticides dans le but d’optimaliser le
rendement des cultures conduit progressivement à
la sélection d’individus ravageurs résistants dont l’éradica-
tion devient de plus en plus diffcile. Une piste actuellement
en plein essor est de se tourner vers la lutte biologique,
notamment via l’utilisation d’“auxiliaires”, ces êtres vivants
dont le mode de vie entraîne l’inhibition ou la destruc-
tion d’espèces nuisibles à l’agriculture ou à l’horticulture.
Attirés par l’odeur
Trois chercheurs à Gembloux Agro-Bio Tech-ULg ont déposé
une demande de brevet européen pour un procédé original de
lutte biologique contre les pucerons qui constituent un véritable
féau pour de nombreuses cultures. Fruit d’une collaboration
croisée et complémentaire entre trois services universitaires*,
leurs travaux s’inscrivent dans le cadre du projet Solaphid-
Waléo II, fnancé par la Région wallonne. Leur proposition est
d’utiliser une composition odorante afn d’attirer et de mainte-
nir des auxiliaires, en l’occurrence des syrphes, dans des zones
où sont localisés les pucerons afn d’en réguler les populations.
Pour répondre à ses besoins en acides aminés, le puce-
ron doit prélever la sève des végétaux en grande quantité et
doit rejeter continuellement le surplus de sucres ingérés par
la même occasion. Ce rejet métabolique, que l’on nomme
le miellat, attire des auxiliaires, le syrphe par exemple. « La
présence de certains micro-organismes (bactéries) dans un
milieu riche en sucres et acides aminés induit l’émission de
certains composés volatils que l’auxiliaire va percevoir et asso-
cier à la présence de pucerons », explique Pascal Leroy, du
service d’entomologie fonctionnelle. En dégradant certaines
molécules présentes dans le miellat du puceron, ces micro-
organismes dégagent en fait des odeurs qui attirent le syrphe
adulte. « Cette découverte, nous la devons au fair de Pascal
Leroy, glisse le Dr Ahmed Sabri. C’est en effet lui qui a trouvé
que l’odeur dégagée par ces bactéries était proche du miellat.
Il a alors testé ces bactéries pour vérifer si elles attiraient bel
et bien le syrphe. Et les essais se sont avérés concluants. »
Nettoyage effcace
Mais le rôle des molécules libérées ne se limite pas à attirer le
syrphe adulte vers une zone où se trouvent des ravageurs. « Les
molécules odorantes vont stimuler l’oviposition (ou la ponte) du
syrphe. Or, l’objectif est précisément d’obtenir des œufs à un
endroit donné puisque ce sont les larves issues de ces œufs qui
vont se nourrir de pucerons », souligne Pascal Leroy. Particuliè-
rement voraces, ces larves peuvent consommer jusqu’à 1200
pucerons,cequi permet un“nettoyage”important des végétaux.
Le brevet, en cours d’examen par l’Offce européen des bre-
vets, sera bientôt confronté à la réalité du marché. Deux pistes
d’exploitation sont d’ores et déjà proposées par les trois cher-
cheurs. « Une voie serait de recourir à des molécules de syn-
thèse pour recréer la composition qui attire les syrphes, pré-
cise Pascal Leroy. Une fois formulées, ces molécules seraient
placées dans des diffuseurs à disposer dans les zones occu-
pées par les ravageurs. » Une autre voie, plus “bio”, consiste-
rait à laisser de côté les molécules de synthèse pour proposer
« un miellat artifciel, autrement dit une copie de ce que rejette
le puceron, en utilisant des bactéries comme producteurs de
molécules odorantes à la fois attractives et inductrices de
la ponte ». Procédé peu coûteux qui permettra de satisfaire
la demande du marché quand celle-ci se fera importante.
C’est la flière gembloutoise de l’Interface-Entreprise
– et plus particulièrement André Hecq – qui s’est char-
gée d’évaluer le potentiel économique de l’invention et de
la promouvoir auprès des entreprises. Certaines d’entre
elles, actives dans le domaine de la lutte biologique,
se sont montrées déjà intéressées par la découverte.
Michaël Oliveira Magalhães
* Pascal Leroy, doctorant au service d’entomologie fonctionnelle et évolutive
du Pr Eric Haubruge à Gembloux Agro-Bio Tech, Stéphanie Heuskin, docto-
rante au laboratoire de chimie analytique du Pr Georges Lognay à Gemblouw
Agro-Bio Tech, et Ahmed Sabri, docteur au Centre wallon de biologie indus-
trielle dirigé par le Pr Philippe Thonart à l’ULg.
Les recherches à Gembloux s’orientent vers une solution biologique