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LIÈGE
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Printemps 2012
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Le s
Equ i pemen t s REMARQUABLES
L
e 12 novembre 2011, en son séjour provençal du
Paradou au pays d’Arles, s’éteignait l’écrivain et édi-
teur Hubert Nyssen, créateur d’Actes Sud et doc-
teur honoris causa de l’université de Liège. Depuis 2005,
le Centre d’études du livre contemporain (Celic) détient en
dépôt l’ensemble très riche de ses archives personnelles.
« Au moment de déposer ses outils d’écrivain, fn janvier 2011,
Hubert Nyssen avait en chantier un seizième roman, dont l’in-
titulé de travail résumait tout entier son auteur : L’Orpailleur.
Qu’est-ce en effet qu’un tel écrivain doublé d’un tel éditeur,
sinon un chercheur d’or ? Hubert Nyssen aura été, tout au long
de sa carrière, cet orpailleur des mots et des livres, doté d’une
très haute conscience des pouvoirs et des ruses du langage,
mais aussi de la dignité du savoir opposé à l’obscurantisme. »
C’est en ces mots que Pascal Durand, professeur au départe-
ment arts et sciences de la communication et directeur du Ce-
lic, se plaît à évoquer le souvenir du disparu dont il fut proche.
Des traces vivantes
« En fait, précise-t-il d’emblée, il s’agit d’un dépôt et non d’une
cession. Cet accueil d’archives littéraires est le fruit du rap-
port de confance et d’amitié qui s’est établi de longue date
entre Hubert Nyssen et certains représentants de l’université
de Liège. A commencer par le Pr Jacques Dubois, aujourd’hui
émérite, en compagnie duquel, dans le cadre d’un partenariat
avec la collection “Espace Nord” des éditions Labor, l’aventure
de la collection de poche “Babel” a été lancée. Et avec Yves
Winkin, fondateur du Celic, qui, en 1988, avait pris l’initiative
de demander à Hubert Nyssen de donner un cours de pra-
tique professionnelle de l’édition dans un programme pilote
de formation aux métiers du livre lancé par la section de
communication. » Pendant près de trois ans, celui qui avait
créé en 1978 sa propre maison d’édition et fait connaître
des auteurs aussi prestigieux désormais que Nina Berberova,
Paul Auster ou Nancy Huston, allait ainsi dispenser gracieu-
sement son expérience et son savoir-faire d’éditeur à l’ULg,
tant était important pour lui de transmettre à de plus jeunes
une certaine idée de la littérature et des métiers du livre.
Mais c’est au début des années 2000, le Pr Pascal Durand ayant
pris la tête du Celic, que prendra forme et bonne suite le projet
d’Hubert Nyssen de voir ses archives conservées et livrées à la
curiosité des chercheurs en matière littéraire et éditoriale. Les
modalités juridiques de ce dépôt ont bien sûr été fxées dans
une convention, les conditions de bonne conservation et de
respect de la confdentialité y étant notifées – en ce comprises
les indications d’embargo pour la consultation, la référence, la
citation ou l’édition de tels ou tels documents plus ou moins
confdentiels. Et une salle est désormais affectée à ce qui est
devenu le Fonds Nyssen au sein de la faculté de Philosophie
et Lettres (place du 20-Août 7, 4000 Liège), véritable mine
d’or comportant quantité de notes, manuscrits, dossiers de
presse, correspondance, carnets intimes et autres documents.
Ces traces écrites de toute une vie et de toute une carrière,
au cours desquelles ont été extrêmement nombreuses les
rencontres avec des auteurs et autres personnalités plus ou
moins connues, image en réduction très vivante de la littéra-
ture et de l’édition de près d’un demi-siècle, ont été réparties
en quatre catégories : archives familiales, archives person-
nelles, archives d’auteur, archives éditoriales. Au premier rang
de ce vivier, livré “clé sur porte”, classé et catalogué par le
déposant lui-même, se détachent les carnets journaliers, une
centaine au total. « Comme beaucoup d’écrivains, observe
Pascal Durand, Hubert Nyssen tenait une espèce de journal
intime, sous forme de petits carnets de format Actes Sud. Ce
sont autant de témoignages de sa vie quotidienne, de son acti-
vité d’écrivain et d’éditeur, de sa philosophie du monde et du
langage. Ils sont parfois agrémentés de photos, de collages
de courriels, voire de croquis. Cette occupation régulière de
diariste s’est en quelque sorte dédoublée à partir du moment
où c’est en ligne aussi, en artisan du clavier, qu’Hubert Nyssen
a pris l’habitude de faire quotidiennement ses gammes d’écri-
vain et d’observateur sagace de la vie politique et culturelle,
occasion unique pour nombre de lecteurs d’y avoir accès.
Dans les derniers mois précédant sa disparition, ils ont été
aussi, pour ses lecteurs inquiets, l’émouvant baromètre de
sa fatigue et de sa courageuse résignation à l’inéluctable. »
Ce corpus archivé comporte également de la correspon-
dance : lettres autographes, notamment de certaines grandes
fgures du paysage littéraire du XX
e
siècle, et copies de lettres
envoyées ou reçues par courrier électronique. Peu de vrais
manuscrits, par contre, Hubert Nyssen ayant très tôt écrit
ses livres directement à la machine, mais pas mal de notes
Hubert Nyssen, l’orpailleur
Les archives du créateur d’Actes Sud sont à Liège