Page 31 - LiegeU#14internet reduit

This is a SEO version of LiegeU#14internet reduit. Click here to view full version

« Previous Page Table of Contents Next Page »
Hiver 2012 - 2013
l
LIÈGE
U
l
31
Sur les traces de l’hépatite C
L’épidémiologie, c’est de l’histoire
L
e virus de l’hépatite C cause actuellement une épidé-
mie largement méconnue, qui fait pourtant des ravages.
C’est un virus d’apparition récente, qui s’est implan-
té chez nous au gré des soubresauts de l’histoire. Jean
Delwaide, hépatologue au CHU de Liège et professeur de cli-
nique, a dénoué les méandres de cette évolution fulgurante.
L’histoire de l’hépatite C débute en 1989, année où sont mis
au point des tests immunologiques permettant d’identifer et
de diagnostiquer ce virus à ARN. Auparavant, l’affection passait
souvent inaperçue… du moins au début. En effet, seules 20 à
30% des personnes nouvellement contaminées présentent des
symptômes tels que ictère, état grippal, asthénie, myalgies et
autres signes assez banals d’une atteinte virale. Puis plus rien…
pendant une vingtaine d’années. La guérison se fait spontané-
ment endéans les six mois chez environ un quart des personnes
contaminées, mais la majorité des porteurs du virus vont s’ache-
miner en sourdine vers une cirrhose, puis éventuellement vers
un cancer du foie (hépatocarcinome) ou une décompensation
hépatique, deux complications mortelles à relativement brève
échéance.
Bien sûr, on subodorait déjà depuis un certain temps que les cir-
rhoses et les cancers du foie étaient dus à un virus d’hépatite,
mais on les attribuait tous sans distinction à l’hépatite B. Puis,
quand on a pu identifer le virus de cette hépatite, en 1970, il a fal-
lu se rendre à l’évidence : elle n’était pas la seule responsable. Il
apparut alors que 10-15% de transfusés – un sur sept ! – étaient
contaminés par une “autre” hépatite, mystérieuse, appelée “non
A-non B”. Il aura donc encore fallu près de 20 ans pour pou-
voir lui donner un nom – ou plutôt une lettre, en l’occurrence. On
constate alors avec effarement que ce virus inconnu pourrait bien
affecter environ 1% de la population belge. Soit des dizaines de
milliers de personnes ! Toutefois, à cette époque, on pense encore
que l’infection n’aura pas de conséquences très importantes. Une
opinion qui a drastiquement évolué avec le temps, au fur et à
mesure que le taux de cirrhoses et d’hépatocarcinomes prenait
des proportions impressionnantes. L’hépatite C est aujourd’hui,
avec l’alcool, la première cause de cancer primitif du foie et la
première cause de transplantation hépatique – son seul traite-
ment possible – dans notre pays.
Curieusement, toutes les personnes atteintes semblent avoir
été contaminées en même temps. Les courbes d’incidence sont
éloquentes : très peu de contaminations dans les années 1960,
un pic dans les années 1970-1980, et un net déclin après 1990
lorsque les tests de dépistage font leur apparition. C’est ce que
l’on appelle un effet cohorte : une contamination massive sur un
court laps de temps, environ 20 années dans ce cas précis.
On sait aujourd’hui que le virus de l’hépatite C se transmet
quasi exclusivement par contact de sang à sang. Et que,
par conséquent, deux grands facteurs peuvent expliquer
sa fambée dans les pays occidentaux : l’avènement de la
toxicomanie intraveineuse après la guerre du Vietnam et…
les progrès de la médecine, notamment ceux de la chirurgie
cardio-vasculaire qui a généré de nombreuses transfusions.
Sans compter toutes les jeunes accouchées à qui on n’hési-
tait guère à donner quelques poches de sang frais, histoire
de leur donner un “coup de fouet” après un accouchement
un peu diffcile !
Actuellement, la toxicomanie intraveineuse avec partage
d’aiguilles reste le mode de transmission majeur. La contami-
nation via des instruments mal désinfectés, lors de piercings,
tatouages, séances d’acupuncture, etc., n’est pas nulle mais
reste marginale. Et c’est probablement là qu’il y a encore des
progrès à réaliser, d’après Jean Delwaide : sommes-nous
bien certains que les petits soins médicaux ou dentaires, les
pédicures, les tatouages, les piercings, etc., sont au-dessus
de tout soupçon ? Mais ce sont les coiffeurs qui inquiètent le
plus notre hépatologue : « Pensez donc : votre coiffeur prend
son rasoir sur le comptoir pour vous couper quelque cheveux
dans la nuque, fait éventuellement perler une goutte de sang,
l’essuie avec un kleenex, puis le redépose jusqu’au client sui-
vant, le plus souvent sans aucune décontamination ! »
Aujourd’hui, des traitements effcaces basés sur l’interféron
alpha guérissent 70 à 80% des malades. En attendant les
nouvelles associations thérapeutiques qui s’annoncent, tri- et
même quadrithérapies, encore bien plus puissantes que les
traitements actuels.
Karin Rondia
article complet sur le sit
e
www.refexions.ulg.ac.be
(rubrique Vivant/médecine)